Orient–Vent–Occident–Bize

Extraits du RIABE, règlement concernant l’intervention artistique sur les bâtiments de l’État :
Art. 1— Pour tous les bâtiments édifiés par l’État de Vaud, un montant proportionnel au coût de construction ou de rénovation proprement dit (le pour-cent culturel) doit être réservé pour une intervention artistique sur le bâtiment.
Art. 2— Une intervention artistique consiste dans l’intégration, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’édifice, d’œuvres, de gestes ou de marquages artistiques qui entrent en interaction avec son architecture, sa fonction, ses utilisateurs et le public en général. Depuis 1979, Orient–Vent–Occident–Bize, de l’artiste Nicolas Delaroche, est la 216ème intervention artistique dans un bâtiment de l’État de Vaud.

Orient–Vent–Occident–Bize
Le bâtiment historique de l’ancien Lycée Jaccard réalisé en 1912 par l’architecte Robert Longchamp et racheté en 1975 par l’État de Vaud pour servir de gymnase cantonal porte bien la marque de son époque où l’esprit du Heimatstil s’ancrait dans la tradition et privilégiait la simplicité et une modestie du décor volontiers relégué dans des toitures compliquées. Y introduire un geste contemporain qui fasse sens et y insuffle une bouffée de fraîcheur et de dynamisme n’était pas chose aisée. Nicolas Delaroche a trouvé la parade en s’amarrant sur une surface à la fois stratégique et quasi invisible, presque un non-lieu : la façade de la gaine d’ascenseur. C’est là que, faisant lien avec le prolongement de la cage d’escalier réalisé dans le cadre des importants travaux de rénovation effectués par AC Atelier Commun SA, il a déployé sa frise de 18 m de haut, donnant vie et visibilité à ce carrefour obligé de tous les utilisateurs du lieu pour en faire une colonne vertébrale chamarrée.

L’œuvre s’arrime donc à l’architecture du lieu, sa vie, son histoire et son environnement à travers l’usage de l’escalier qui s’enroule autour de lui et la proximité que, par manque de recul, il noue avec les élèves, professeurs, employés et visiteurs passant tous par là et se retrouvant presque à l’intérieur du paysage qu’elle sédimente.

Depuis les structures massives du rez jusqu’aux espaces éthérés des combles, l’expérience est physique et le point de vue changeant et toujours plus aérien. Impossible d’appréhender l’œuvre d’un seul regard, sauf à la voir se stratifier et se perdre dans les hauteurs. Dans cet espace de circulation incontournable mais pauvre en stimulation visuelle parce que confiné et tournant le dos à toute vue, voilà soudain que quelque chose se passe, qui déploie un dégradé de couleurs chatoyant et un subtil étagement paysager.  

Nicolas Delaroche
De Lausanne où il vit, Nicolas Delaroche mène un travail original à la croisée de la photographie, l’art et l’architecture. Né en 1985 à Laon (FR), il est titulaire d’un bachelor en photographie de l’ECAL et d’un master of contemporary arts practice de la Hochschule der Künste de Berne. Il a reçu des bourses de recherche du Canton de Vaud et de la relève photographique de Pro Helvetia et un Prix near pour la photographie contemporaine, bénéficié de résidences artistiques à Paris, Sao Paulo, Berlin et Hangzhou et exposé au Musée de l’Elysée, Aperture Foundation New York, Centre Pasqu’art Bienne ou Rencontres photographiques d’Arles notamment.

Derrière son objectif, il mène sur l’art une réflexion tout en finesse : comment on l’intègre dans l’architecture, comment on l’expose pour faire dialoguer les œuvres entre elles, comment on le collectionne. Loin du documentaire, il mène des enquêtes minutieuses pour en proposer des interprétations très personnelles.