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Durant l'entre-deux-guerres, la figure du nu réapparaît comme un des axes majeurs de la production sculpturale. Casimir Reymond, par l'exécution de la « Vendangeuse » - oeuvre que l'Association du Fonds des arts plastiques lui commande en 1938 - expérimente ce thème et le modernise en s'écartant de la représentation classique, traditionnelle, du corps de la femme appréhendé selon les codes de la beauté classique. La réception de cette modernité, cependant, fait débat.
Lors de la commande, le comité laisse carte blanche à l'artiste quant au sujet et va même jusqu'à augmenter de plusieurs milliers de francs la somme qui lui est offerte initialement. En 1943, Casimir Reymond achève la sculpture, présentée alors à la promenade de Derrière-Bourg à Lausanne. La facture de l'oeuvre appelle la monumentalité; la « Vendangeuse » émerge du bloc de pierre sous la forme d'une figure féminine nue alanguie, dont la tête est appuyée lourdement sur le bras gauche, tandis que l'autre main tient une grappe de raisin. Au lendemain de l'inauguration, les critiques fusent: « la statue [...] déplaît d'abord par sa matière », elle est aussi jugée « inesthétique » et « abominablement disposée » [Feuille d'avis de Lausanne, 07.05.1943]. Le public voit dans cette figure une représentation incongrue: le titre de l'oeuvre appelle une image bien précise dans l'imaginaire collectif, celui d'une femme concentrée à sa tâche, dynamique et forte, surtout en temps de guerre. La femme oisive et mélancolique étonne et déçoit, d'autant plus que le choix de son emplacement (il faudra attendre 1948 pour que la sculpture soit déplacée à Ouchy) empêche le public de l'appréhender à sa juste valeur et a pour conséquence de rendre la démarche de Casimir Reymond en partie inintelligible.
Ce n'est pas de la beauté du corps idéalisé que Casimir Reymond rend compte dans la « Vendangeuse », mais de l'harmonie et de l'équilibre entre la massivité d'un corps et son ondulation. Casimir Reymond reste très attaché à la tradition sculpturale, mais s'éloigne des conventions pour instaurer une plus grande liberté dans la représentation du mouvement et des formes [Kuenzi, 1974]. Le traitement de la chevelure et des plis du ventre, la géométrisation des formes (de la poitrine par exemple) et la massivité des membres l'éloignent du canon classique de représentation des figures féminines. Ses modèles sont alors à chercher auprès d'artistes comme Aristide Maillol et Antoine Bourdelle. Par l'utilisation d'un style épuré, Casimir Reymond confronte le spectateur à sa façon d'appréhender un corps sculpté, l'amenant à un questionnement sur la tradition classique et ses transformations. Par cette démarche, Casimir Reymond s'écarte du rôle purement décoratif de l'oeuvre - qu'il refusait - pour l'inscrire dans une fonction plus large et la faire résonner avec la production artistique européenne du début du XXe siècle.

Lorena Ehrbar, dans "Pleins feux", 2017

Infos

Artistes
Date
Type d'œuvre d'art
Public Art
Dimensions de l'objet
Socle : 38 cm (haut.) x 246 cm (long.) 98 cm (larg.)
Sculpture : 170 cm (haut.) x 245 cm (long.) x 110 cm (larg.)
Matériau

Grès coquillé d'Argovie

Technique
Sculpture, taille
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Carte

Parc du Denantou
Quai D'ouchy
1006 Lausanne
Suisse

Artistes

Détails Name Portrait
Casimir Reymond

Institutions

Title Country City Détails
Collection d'art de la Ville de Lausanne
Suisse
Lausanne